Bulletin 30

Bulletin 30, le Sommaire :

  • Editorial; page 1
  • Itinéraire d’un enfant trouvé Henri Raymond (1835 – 1899); page 2
  • De Michel A Montlouis-Félicité en passant par Jeanville : tribulations patronymiques; page 8
  • Mauconduit, Moncorduit… ou Charles Louis ?; page 10
  • Immigration indienne : projet pour l’exploitation des listes généalogiques concernant les recherches effectuées par Antoinette Gamess assistée de Lucienne Lafontaine; page 16

Editorial

Ce bulletin qui paraît plus tard que nous ne le souhaitions ne relatera pas le déroulement d’une sortie comme de coutume. Ces escapades amicales coïncidaient avec la remise solennelledes registres d’individualité à telle ou telle équipe municipale; la rencontre prévue avec celle des Trois-Ilets n’a pas eu lieu.
Nous pensons cependant que vous apprécierez la variété des articles que nous vous proposons, renouant en cela avec les buts mêmes que s’était fixés l’Amarhisfa lors de sa création : faciliter les recherches généalogiques locales, qu’elles concernent ou non les familles des membres, et favoriser la sauvegarde d’une mémoire collective, voire de l’établir.
 Nous savions à quel point l’accès aux archives officielles était malaisé, que le trou noir de l’esclavage, l’établissement tardif et parfois erratique d’un patronyme et, partant, d’une identité pouvait troubler plus d’un. Peu de membres de l’association par ailleurs étaient familiarisés avec les méthodes de recherches dans le labyrinthe des instruments officiels et aptes à mener ces quêtes sans aide.
Cette mémoire collective dont nous nous attachons, à notre modeste échelle, à favoriser le développement conduit à ne laisser dans l’ombre aucune des composantes de la société que nous formons. L’une d’elles semble avoir été moins étudiée que les autres : la part ou plutôt la participation des Indiens.
 Aussi trouverez-vous dans ce bulletin le premier volet d’un segment de notre histoire : le contexte de l’immigration indienne.
 Bien sûr l’histoire sinueuse de l’établissement de certains noms de famille en surprendra plus d’un, faisant apparaître des cousinages insoupçonnés.
Enfin, la littérature romanesque qui n’est pas le moindre moyen de nous camper en face de nous-mêmes fera, encore une fois l’objet de l’analyse d’un ouvrage qui relève ou soulève bien des questions que notre identité complexe nous amène à poser. Comme disait l’autre : « nous sommes tous de quelqu’un, de quelque part. »

Mme Jaqueline Léger

Itinéraire d’un enfant trouvé Henri Raymond (1835 – 1899)

Tout à fait par hasard, en faisant une recherche sur l’année 1859 dans l’Etat Civil de Saint-Pierre, je suis tombée sur un acte de mariage dont l’intitulé m’a paru bien curieux
«Mariage du sieur DESVAUX Henri Raymond vulgairement connu sous les noms Adrien Arnaud et de la Demoiselle SARLIN Louise Calixte Irma. »
Le terme « vulgairement » m’a interloquée. Je me suis donc lancée dans la lecture de cet acte avec beaucoup d’intérêt. Et c’est ainsi que les recherches que j’ai entreprises, m’ont amenée à connaître, à retracer et à partager le parcours de vie du Sieur Henry Raymond DESVAUX.
Dans le texte quelque peu romancé mais tout à fait exact qui suit, je raconte son histoire, celle d’un petit garçon abandonné à sa naissance et recueilli à l’Orphelinat de Saint-Pierre, puis adopté par une dame de la bonne société pierrotine ….
L’histoire
Le jour se lève à peine ce 28 mars 1835, les cloches de Notre Dame du Bon Port sonnent cinq coups, quand surgit une ombre qui rase les murs de l’orphelinat de Saint-Pierre situé rue La Source. Elle porte contre sa poitrine un vaste panier, s’arrête devant une porte et frappe plusieurs coups, prête l’oreille, abandonne son fardeau sur le sol et s’enfuit. La porte s’ouvre en grinçant. Une religieuse apparaît sur le seuil, se penche et ramasse le panier. Nullement surprise, elle le ramène dans une grande salle où d’autres religieuses vaquent à leurs occupations. Elle le pose sur une table et en sort un vigoureux bébé à la peau blanche, un léger duvet blond garnit sa petite tête. En écartant le lange qui l’habille, elle découvre un petit garçon qui se met à vagir. Continuant l’inspection du panier, six casaques, sept chemises, neuf bonnets, six couchettes, un oreiller et quatre taies composent le trousseau du nouveau-né.
Le nouveau-né sur un bras, la layette sous l’autre bras notre brave sœur se dirige vers un escalier, monte péniblement les marches. Elle s’arrête, essoufflée sur un premier palier, puis reprend son ascension. Elle arrive enfin dans un vaste galetas éclairé faiblement par la lueur de réverbères qui perce à travers les persiennes de petites fenêtres. Là sont rangés méticuleusement le long des murs, des petits lits et des berceaux occupés par des enfants de tous âges. Tout est silencieux, notre religieuse dépose le petit garçon dans un berceau vide et s’en retourne à ses occupations. Curieusement l’enfant cesse de s’agiter, il remue juste ses menottes, puis ferme les yeux et finit par s’endormir comprenant qu’il doit désormais se fondre dans la masse.
Après l’office du matin mère JAVOUHEY la supérieure de l’Orphelinat est mise au courant de l’entrée d’un nouvel arrivant au sein de la communauté. Qui est-il ? D’où vient-il ? Le saurons-nous jamais ? Sûrement quelque enfant illégitime de notables de Saint-Pierre ? Ou bien le fruit d’un viol ? Voire d’un inceste ? En tout cas ce n’est pas un enfant d’esclave. Il n’en n’a pas l’aspect, sinon il aurait été gardé sur l’Habitation. Les vêtements faisant partie de son trousseau laissent à penser qu’il vient d’un milieu aisé, probablement le bâtard dérangeant d’une « fille de famille ».
Le 30 mars 1835 l’Officier de l’Etat Civil de la ville de Saint-Pierre île Martinique, Toussaint MONTANARY, enregistre sa naissance comme celle d’un enfant trouvé de sexe masculin paraissant être âgé d’environ trois jours.Il sera nommé Henry Raymond(1)
Quelques années plus tard la dame Marie Françoise DESVAUX, épouse du sieur Joseph Jacques André ARNAUX négociant, bourgeoise issue de la bonne société pierrotine, sans doute bienfaitrice de l’Orphelinat, sans enfant, le prend sous son aile protectrice. Le petit Henry Raymond sera appelé « vulgairement » Adrien ARNAUD. C’est un bel enfant sage avec de grands yeux qui respirent l’intelligence.
Les années passent. Adrien mène une vie agréable auprès de ses tuteurs. C’est un bon élève, brillant lycéen, enfant travailleur et respectueux. Après son baccalauréat il est envoyé en France dans la ville de Montpellier afin de poursuivre des études de médecine. Entre temps son père adoptif décède le 22 mars1842 (2).
Alors qu’Adrien est en France Marie Françoise DESVAUX veuve ARNAUD décide de l’adopter de manière légale le 4 septembre 1857 (3). Henry Raymond âgé de vingt-deux ans change à nouveau de nom. Il s’appellera désormais Henry Raymond DESVAUX du nom patronymique de sa bienfaitrice.
Le 28 mai 1858 Henry Raymond est reçu à son doctorat. Le voilà reprenant le chemin pour rentrer au pays.
Huit mois plus tard, le 26 janvier 1859 par une radieuse journée les cloches de Notre Dame du Bon Port sonnent à toute volée pour annoncer un mariage célébré à Saint-Pierre (4) : c’est celui de Henry Raymond DESVAUX, médecin installé à Saint-Pierre, qui épouse la jeune Louise Calixte Irma SARLIN âgée de vingt ans, fille d’un négociant de la ville Louis Auguste SARLIN et de la dame Virginie GARCIN. De cette union naîtront cinq enfants :

  • Adrienne Jeanne née le 29/11/1859 à Saint-Pierre,(5) décédée le 08/05/1902 à Saint-Pierre,
  • Marie Elizabeth Hortense née le 14/07/1861 au Saint-Esprit Martinique (6).(Cette même année verra le décès à Saint-Pierre (7)de Marie Françoise veuve ARNAUD la mère adoptive de Henry Raymond DESVAUX).
  • Marie Julie Virginie née le 04/02/1864 à Saint-Pierre,(8) décédée le 08/05/1902 à Saint-Pierre lors de l’éruption de la Montagne Pelée,
  • Marie Louise Jeanne née le 05/12/1867 et déclarée le 13/01/1868 à Saint-Pierre,(9) décédée le 26/02/1870 à Saint-Pierre (10),
  • Xavier Joseph Adrien né le 22/10/1871 à Saint-Pierre (11) décédé le 08/05/1902 à Saint-Pierre.

Le 27 octobre1899 à Saint-Pierre (12) Henry Raymond DESVAUX, médecin aimé et apprécié de tout Saint-Pierre, décède à l’âge de 64 ans. Il laisse une veuve inconsolable qui périra avec quatre de leurs enfants le 08/05/1902 (voir jugement déclaratif n°340). Seule a peut-être survécu Marie Elizabeth Hortense qui avait épousé à Saint-Pierre le 06/08/1885 (13) Barthélémy TOMASI, un corse domicilié au VENEZUELA. De cette union est née à Saint-Pierre le 17/10/1887 (14) une fille, Irma Benoîte Marie TOMASI. La famille TOMASI a dû probablement quitter Saint-Pierre avant les évènements du 8 mai 1902.
Des autres enfants de Henry Raymond et Irma SARLIN, sa troisième fille Marie Julie Virginie va épouser le 12/04/1883 Henri dit Edmé GRANT (15).De cette union naîtront trois enfants nés dans un lieu qui n’a pas été retrouvé, peut-être Sainte-Lucie d’où leur père était originaire. Par contre on retrouve leurs traces dans les jugements déclaratifs tenant lieu d’acte de décès aux disparus de la catastrophe de 1902 à Saint-Pierre et détenus par la commune du Carbet : 1 fils prénom ? âgé de 20 ans, une fille Nelly âgée de 18 ans et un fils Adrien âgé de 16 ans ; ils y sont portés disparus ainsi que leur mère (voir jugement déclaratif n°332)
Le fils Xavier Joseph Adrien a épousé la demoiselle Joséphine PALAZZI. Le couple a eu une fille Irma, le père, la mère et le bébé âgé de trois mois sont aussi morts le 08/05/1902 (voir jugement déclaratif n°340).
Ainsi se termine l’histoire d’Henry Raymond qui, abandonné à sa naissance, a pris une belle revanche sur la vie incertaine à laquelle ses géniteurs l’avait destiné.

Lucienne LAFONTAINE

Actes tirés des registres de l’Etat Civil de SAINT-PIERRE et du Saint-Esprit
(Actes numérisés consultables sur le site ANOM)
1) Acte n° 263 page 63 année 1835 Naissance d’Henry Raymond
2) Acte n° 292 année 1842 Décès de Joseph Jacques André ARNAUD
3) Acte n°1484 année 1857 Adoption de Henry Raymond par Jeanne Françoise DESVAUX épouse ARNAUD.
4) Acte n°121 année 1859 Mariage de Henry Raymond DESVAUX et de Louise Calixte Irma SARLIN.
5) Acte n° 1906 année 1859 naissance de Adrienne Jeanne DESVAUX
6) Acte n° 223 année 1861 Naissance de Marie Elizabeth Hortense DESVAUX
7) Acte n° 1602 année 1861 Décès de Marie Françoise ARNAUD
8) Acte n° 354 année 1864 naissance de Marie Julie Virginie DESVAUX
9) Acte n° 57 année 1868 Naissance de Marie Louise Jeanne DESVAUX
10) Acte n° 280 année 1870 Décès de Marie Louise Jeanne DESVAUX
11) Acte n° 1648 année 1871 Naissance de Xavier Joseph Adrien DESVAUX
12) Acte n° 717 année 1899 Décès de Henry Raymond DESVAUX
13) Acte n° 42 année 1885 Mariage de Barthélemy TOMASI et Marie Elizabeth Hortense DESVAUX
14) Acte n° 752 année 1887 Naissance de Irma Benoîte Marie TOMASI
15) Acte n° 584 année 1883 Mariage de Henri dit Edmé GRANT et Marie Julie Virginie DESVAUX

Actes de JUGEMENTS DECLARATIFS (détenus par la Mairie du CARBET)

  • Acte n° 340 : Photocopies des jugements déclaratifs tenant lieu d’acte de décès de Irma SARLIN veuve DESVAUX, d’Adrien son fils, de sa belle-fille Joséphine PALAZZI, de sa petite fille Irma DESVAUX
  • ACTE n° 332 : Photocopie du jugement déclaratif tenant lieu d’acte de décès de Virginie ARNAUD DESVAUX épouse d’Edmé GRANT, de GRANT fils âgé de 20 ans, de Nelly GRANT âgée de 18 ans et de Adrien GRANT âgé de 16 ans ses enfants.

INSCRIPTION A L’UNIVERSITE DE MONTPELLIER

  • Photocopies de l’inscription Adrien Raymond ARNAUD à l’Université Montpellier Registre des officiers de santé n°1 année 1855-1873
  • Photocopie de son examen de réception au Doctorat 27/02/1858 et le 27/03/1858.

N° 264 acte de naissance a l’hospice de Henry Raymond(orphelin)

Acte de naissance Raymond

« L’an mil huit cent trente-cinq, le trente mars à une heure de relevé, Nous Toussaint MONTANARY Officier de l’Etat Civil de la ville de SAINT-PIERRE ayant reçu de Madame la Supérieure des Dames de Saint-Joseph, Directrice de l’Hospice des Orphelins, une lettre en date de ce jour d’hier. L’avons immédiatement transcrite à la suite du présent procès-verbal. Suit la teneur de la dite lettre:
Monsieur
J’ai honneur  de vous déclarer qu’il a été porté et reçu à l’Hospice des Orphelins, un orphelin enfant trouvé  samedi dernier vingt-huit du courant à cinq heures du matin, enfant de sexe masculin qui paraît être âgé de trois jours, le linge reçu avec cet enfant se compose de six casaques, sept chemises, neuf bonnets, six couchettes, un oreiller, quatre taies d’oreiller. Les prénoms d’HENRY RAYMOND lui seront donnés. Je suis avec une parfaite considération, Monsieur votre très  humble et très obéissante servante.

La Supérieure Directrice  de l’Hospice (signé) Sr JAVOUHEY. »

De Michel A Montlouis-Félicité en passant par Jeanville : tribulations patronymiques

Nous savons tous combien l’attribution ou l’inscription d’un patronyme dans les anciennes colonies françaises résulte bien des fois du hasard, de la bonne ou mauvaise volonté de l’officier d’état civil, de son humeur du moment ou encore de l’ignorance des déclarants sur l’identité véritable de ceux pour qui ils se présentent.

Dans le cas qui nous occupe, il faut remonter à l’année 1763 avec le mariage au Robert de Michel esclave et de Rosalie, négresse libre.
Voici leur acte de mariage :
« Le troisième de novembre mil sept cens (sic) soixante trois, après les trois publications du mariage fait (sic) pendant trois dimanches consécutifs à la messe de paroisse sans avoir découvert aucun empêchement et après avoir lu les consentements de Jean Imbert signé du sieur Deridder et du sieur Jourdain, j’ai conjoint en légitime mariage Michel, nègre , fils de Mathieu et de Magdeleine, nègres du dit Jean Imbert, avec Rozalie, négresse libre, fille de Marie Marthe et de Jean Baptiste, nègre libre, en présence des témoins soussignés, Jean Baptiste Roux, Pierre Deridder, Simon Jourdain et Louis Corranson, tous résidans (sic) dans cette paroisse. Le dit nègre Michel et la dite Rozalie ont dit ne savoir signer non plus que leur père et mère présens (sic).
Signé : Cazeneuve, missre apostolique – Deridder – Louis Jourdain – Corranson
.
En 1763, Michel, fils de Mathieu et Magdelaine est, comme ses parents, nègre du sieur Imbert. Très vite la mention « nègre de… » va disparaître des actes suivants et il y sera porté « Michel, nègre libre ».
Rosalie, elle, fille de Marie Marthe et de Jean Baptiste, nègres libres, est négresse libre elle aussi. De nombreux enfants naissent de cette union entre 1763 et 1777, tous portant MICHEL à côté de leur prénom : ainsi Marthe Rose, Marie Magdelaine, Guillaume, Jean, Mathieu, Emilie … ont tous pour père et mère légitimes Michel et Rosalie.

Arrêtons-nous sur Jean né en 1767. Son acte de baptême est ainsi rédigé :
« Le vingt quatre décembre mil sept cent soixante sept, j’ai baptisé Jean Michel négrillon né le vingt et un de novembre de la même année, fils légitime de Michel, nègre libre et de Rosalie, négresse libre, ses père et mère. Le parein (sic) a été Jean Baptiste BERNARD et la marenne (sic) Catherine CORMERAY. En foy de quoy j’ay signé avec les témoins. Signé : DARMAGNAC – Jean Baptiste BERNARD »

Il épouse en 1797 Félicité Gaud (parfois écrit Gaudu) mulâtresse libre de naissance, fille de Boniface Gau et de Françoise. Surprise : Jean s’appelle maintenant Jean Michel Jeanvilleet il sait signer, très élégamment, son nom ! (il signera d’autres actes d’état civil en 1814 et 1816 en ne portant que Jean Michel)
Pour continuer dans les surprises patronymiques, son père Michel décédé en 1792, à 60 ans est nommé dans l’acte de décès Michel dit Courtla. Déjà, lors de la sépulture en 1790, de son fils Cyr, nègre libre âgé d’environ 14 ans, il est précisé que cet enfant est fils en légitime mariage de Michel, dit Coutelas et de Rozalie, négresse libre, mariés. On retrouvera par ailleurs le nom COURTLA dans les patronymes de l’état civil du Robert ! A sa mort, Jean Michel est présenté comme Michel dit Jeanville Jean.
Son épouse Félicité et lui ont eu une nombreuse descendance : tous les enfants sauf deux, portent JEANVILLE comme patronyme : ainsi Félicité, l’aînée née en 1797, comme Adrien, Jeanne Rose, Boniface, Jean Jules, Mathieu, Placide Nicolas. Seuls les deux derniers, MICHEL Toussaint, né en 1814, et MICHEL Françoise Rosalie née en 1816 garderont comme patronyme le prénom de leur grand-père Michel.

De tous les enfants portant JEANVILLE, seul Placide Nicolas semble a priori avoir fait souche sous ce patronyme.

L’aînée, Félicité,a apparemment un seul enfant, né semble-t-il en 1828 mais non déclaré à l’état civil.
Son identité est révélée en 1855 dans l’acte de naissance de sa fille Marie FELICITE, FELICITE étant le patronyme de l’enfant et donc le sien. Il épouse deux ans plus tard la mère de l’enfant, Marie Anne Marie Françoise Palmyre et les époux font établir un contrat de mariage qui porte Monlouis Félicité surnommé Jeanville pour le nom de l’époux. Devenu veuf en 1861, il épouse en 1870 Reinette Joseph- Alphonse au François et dans l’acte, MONTLOUIS est présenté comme le patronyme et Félicité comme le prénom. S’effectue ce jour la légitimation de quatre enfants, tous portant MONTLOUIS FELICITE comme patronyme.
Par la suite Montlouis, fils de Félicité naviguera entre MONTLOUIS Félicité, MONLOUIS FELICITE et FELICITE Monlouis ! Les enfants Montlouis-Félicité seront appelés sur les actes d’état civil, tantôt MONLOUIS/MONTLOUIS, tantôt MONTLOUIS FELICITE. Au baptême de sa fille Thérèse le 4 juillet 1881, le sieur FELICITE Montlouis est le déclarant et sa fille est nommée Thérèse FELICITE MONTLOUIS .

Sur l’acte de décès de Montlouis Félicité on constate qu’il possédait un autre prénom, Bertin (le prénom pour tous les jours probablement)

Le patronyme finit par se stabiliser et à l’heure actuelle, on peut considérer que même s’il existe encore des descendants de Montlouis Félicité identifiés sous le patronyme de MONLOUIS et d’autres sous celui de FELICITE, la plus grande partie de ses descendants portent MONTLOUIS-FELICITE (Montlouis avec ou sans T) comme patronyme et non JEANVILLE !

Monique Palcy(arrière-arrière petite-fille de Félicité Jeanville)

Mauconduit, Moncorduit… ou Charles Louis ?

Les recherches entreprises pour établir l’arbre généalogique d’une famille aux Antilles sont rendues difficiles en raison de l’absence de règles précises en matière d’enregistrement des actes d’état civil et de l’absolue fantaisie dans la désignation patronymique des personnes au sein d’une même famille

Voici deux sœurs, l’aînée Marie Ultima est née en 1849 . Son acte de naissance (Etat civil du François année 1849 n°275) se présente ainsi

« L’an Mil huit cent quarante Neuf et le premier août à deux heures de relevé, pardevant nous CLERC Michel Luc, Maire Officier de l’Etat civil de la commune du François, arrondissement de Fort de France, Ile Martinique est comparu Monsieur Louis Charles MAUCONDUIT, âgé de vingt-deux ans cordonnier domicilié au François, lequel nous a présenté un enfant du sexe féminin né de lui déclarant en sa maison et de Louise EDOUARD, âgée de vingt ans son épouse et auquel il a déclaré vouloir donner le prénom de MARIE ULTIMA ; les dites déclaration et présentation faites en présence de Messieurs RIBIER Jean Louis âgé de vingt neuf ans propriétaire et conseiller municipal et JOSEPH Bien Aimé âgé de vingt et un ans, ferblantier, tous deux domiciliés en cette commune, et ont les père et témoins signé avec nous le présent acte après lecture.. »

Et voici l’acte de naissance de la cadette, Sophie, née 10 ans plus tard :
Fort de France, année 1859 acte 1039
« Le 22 octobre mil huit cent cinquante neuf, à dix heures du matin. Acte de naissance de Sophie Charles Louis, du sexe féminin, née le vingt huit septembre dernier, à cinq heures du matin, au domicile de ses parents, rue St Louis de cette ville, du sieur Charles Louis âgé de trente cinq ans, cordonnier, et de la dame Louise Adélaïde Edouard âgée de trente ans, sans profession, son épouse, sur la déclaration du père soussigné, en présence des sieurs Lucien Belleville, âgé de trente sept ans, chantre, et Jean François Louisy, âgé de vingt deux ans, sacristain, domiciliés à Fort de France, soussignés par devant nous, Etienne Exupère Didier, maire de la commune de Fort de France, île Martinique, soussigné, à qui l’enfant a été présenté ; lecture faite. »

Que remarquons-nous ? Il s’agit d’un couple marié, d’enfants légitimes, or l’aînée, Marie Ultima, porte le patronyme de son père : MAUCONDUIT, alors que Sophie, née 10 ans plus tard, en 1859, porte les prénoms de son père, CHARLES LOUIS, en guise de nom ! Effectivement, ce sont bien ces prénoms qui figurent dans l’acte de naissance reproduit ici :
L’an mil huit cent vingt quatre le jeudi quinzième jour de juillet à neuf heures du matin, par devant nous Jean Pierre PIERRON chevalier de l’ordre royal de la légion d’honneur, officier de l’Etat civil de la Paroisse du Fort Royal île Martinique, vu le certificat du comité en date d’hier, est comparue la nommée Marie Clotilde âgée de quarante-cinq ans, mulâtresse libre vérifiée le huit Messidor an onze sous le N° 682 D 40 domiciliée au Fort Royal Rue Blénac, laquelle Nous a présenté un enfant de sexe masculin qu’il (sic) Nous a dit être né le douze juin de cette année à sept heures du matin, duquel enfant elle se reconnaît pour être la mère et auquel elle a déclaré vouloir donner les prénoms de Charles Louis.
Les dites présentation et déclaration faites en présence de François Marie FORCIER, âgé de trente quatre ans, marchand et François SIMEON, âgé de quarante et un ans, cordonnier de couleur libre, domiciliés en cette ville, lesquels ont signé avec nous le présent acte de naissance lecture faite, la mère ayant déclaré ne savoir signer.

Or le Charles Louis MAUCONDUITde 1849 s’était marié l’année précédente sous le patronyme MONCORDUIT !

Commune du François / année 1848 registre d’etat civil / acte n° 171 : mariage du citoyen Charles Louis Moncorduit
L’an mil huit cent quarante huit, le vingt cinq septembre à cinq heures du soir, pardevant
nous Lubin Théodore, adjoint au maire de la commune du François, arrondissement de Fort de France, île Martinique, délégué à l’état civil par arrêté en date du vingt sept juin dernier, sont publiquement comparus en notre maison commune le citoyen Charles Louis MONCORDUIT, âgé de vingt quatre ans, cordonnier, domicilié en ce bourg, né à Fort de France le douze juin 1824 (appert son acte de naissance) fils reconnu de la feue citoyenne Marie Clotilde en son vivant domiciliée à Fort de France (appert son acte de décès), le dit citoyen majeur, procédant de son chef ; et la citoyenne Louise Adélaïde EDOUARD, âgée de seize ans (…) fille légitime du feu citoyen Edouard BETZI (…) et de la citoyenne Louise Héloïse, domiciliée en ce bourg (…) les publications ont été faites devant la principale porte de notre Maison commune les dimanches dix et dix-sept (…) aucune opposition au dit mariage ne nous ayant été signifiée, faisant droit à leur réquisition après avoir donné lecture de toutes les pièces (…) et du chapitre six du titre du code civil intitulé du mariage avons demandé à l’époux et à l’épouse s’ils veulent se prendre pour mari et pour femme, chacun d’eux ayant répondu séparément et affirmativement nous avons déclaré au nom de la loi que le citoyen Charles Louis MONCORDUIT et la citoyenne Louise Adélaïde EDOUARD sont unis par les liens du mariage. De quoi nous avons dressé acte en présence des citoyens Joseph Michel SYLVESTRE âgé de vingt cinq ans, tailleur, Louis (…) âgé de soixante quatre ans, agriculteur, (…) âgé de trente et un ans.

Pour récapituler, Charles Louis (dont la mère porte le nom de LIBRA (cf.actes de naissance de ses autres enfants ) n’a pas de patronyme en 1824, lors de sa naissance ; il s’appelle MONCORDUIt lors de son mariage, MAUCONDUIT l’année suivante à la naissance de sa 1ère fille et enfin de nouveau CHARLES LOUIS à partir de 1859!
D’où lui vient le patronyme MONCORDUIT, orthographié tantôt MONCONDUIT tantôt MAUCONDUIT , voire MAUCORDUIT selon les différents actes (ceux de ses frères ou de ses autres enfants ?).Sur aucun acte entre 1824 et 1848, on ne trouve mention d’une éventuelle reconnaissance de Charles Louis par un Monconduit/ Mauconduit, Moncorduitetc… . Sa mère Marie Clotilde a d’autres fils : Joseph Martin, né en 1822, Louis Nicolas et Joseph Arthur, qui signent eux aussi MONCORDUIT…Sur certains actes, Marie Clotilde porte le patronyme LIBRA , qui est mentionné à propos de ses autres fils, mais qu’elle n’a pas transmis à Charles Louis. Il semblerait que le patronyme MAUCONDUIT vienne de la Seine maritime. Il est cité sur le registre du Carbet de 1758 dans l’acte de mariage du sieur Arnoul MAUCONDUIT, natif du Havre de grâce en Normandie.
La famille MAUCONDUIT existe toujours à la Martinique mais il ne semble pas que subsistent les patronymes proches, tels MONCORDUIT ou MONCONDUIT.
Le phénomène qui consiste à s’attribuer un nom de famille béké (MAUCONDUIT, DESPOINTES…) ou à le déformer (MONCORDUIT, MONCONDUIT…) est courant avant la réglementation des actes d’état civil : faut-il y voir une aspiration chez les individus qui le font à une reconnaissance sociale, un effort pour s’identifier à des géniteurs peu soucieux de reconnaître des bâtards ou de « souiller » leur nom en le transmettant à des personnes « de couleur »?

Le cas de la lignée ULRIC/ULRIC-DESPOINTES est intéressant à signaler :

Pierre Fagès Pépé ULRIC semble être une personnalité de la société franciscaine d’avant l’abolition vu la présence de son nom sur de nombreuses demandes d’affranchissement. Né à Saint-Pierre vers 1798, fils naturel de la demoiselle Catherine LALA, probablement esclave à l’origine puisqu’il ne peut produire d’acte de naissance lors de son mariage, il sera affranchi à une date inconnue, en tout cas avant 1832 ! A part les nom et prénom de sa mère, aucun renseignement n’a pu être trouvé sur ses parents ni sur les raisons qui le mènent de St-Pierre au François.
Il épouse au François, le 5 mai 1843, Rose Thècle Nina, fille naturelle de Thècle. Par leur mariage, les époux ULRIC légitiment leurs 7 enfants, les 5 premiers nés dans la servitude mais pourvus de leur acte de baptême :l’aîné, Isidore Willemat, baptisé le 13 avril 1820, le cadet, Henry Justin Delan le 27 mai 1821, le troisième Charles Blaise en avril 1826, le quatrième, Eucharis, le 1° avril 1828, le 5°, Ronasine, né en 1830. Ces cinq enfants avaient été préalablement affranchis ainsi que leur mère Rose Thècle Nina, par l’arrêté du gouverneur en date du 10 mars 1832. Mère et enfants sont présentés dans l’acte d’affranchissement comme « libres de savane », c’est à dire qu’aux yeux du maître, il sont libres, mais leur liberté n’a pas encore de caractère légal. Seul l’arrêté d’affranchissement signé du gouverneur leur permettra de jouir des prérogatives de citoyen (inscription sur les registres d’état civil entre autres). Les 6° et 7° enfants, Bethzie, né le 12 avril 1832, et Caroline née le 5 octobre 1835, sont donc nés libres.
Rose Thècle Nina meurt à 49 ans le 27 février 1845, à son domicile de Bois Soldat (François). Son époux, Pierre Fagès Pépé ULRIC, la suivra deux ans plus tard le 16 octobre 1847 : il est âgé de 49 ans.
Son deuxième fils, Henri Justin Delan, est né probablement le 1° janvier 1821, comme l’indique son 3° prénom, le prénom usuel ; (il est baptisé en mai de la même année). Il se marie au François le 26 février 1846 avec la demoiselle Ezilia Rose, fille naturelle de Thérèse, comme son époux, autrefois libre de savane et affranchie la même année que lui, 1832.
Leur premier enfant, Henri Charles Gellius, naît le 19 août 1846 et porte comme son père le patronyme ULRIC.
Il faut attendre 1848, l’année de l’abolition pour voir accolé au patronyme ULRIC celui de DESPOINTES ; Pour quel motif ? Mystère ! Aucune pièce d’état civil n’a été retrouvée pour expliquer cette modification. En tout cas, le premier à utiliser ce patronyme composé est bien Henri Justin Delan lors de la déclaration de naissance de son 2° enfant, Pierre Aldric Télamon, le 27 juin 1848. Il signe Delan ULRIC-DESPOINTES, sa profession : marchand. Or, en 1847, c’est lui qui avait déclaré le décès de son père Pierre Fagès Pépé et il signait encore ULRIC tout court !

Son frère aîné, Isidore Willemat, lui emboîtera le pas en faisant porter sur son acte de mariage, le 11 juillet 1848, le patronyme ULRIC-DESPOINTES .
Henri Justin Delan doit être un notable comme son père puisqu’il signe, sans doute en qualité d’adjoint au maire et officier d’état civil certains actes d’individualité de la commune du François, du 26 décembre 1848 au 4 janvier 1849 et ce, toujours avec le patronyme ULRIC-DESPOINTES. Il est d’ailleurs amené à signer l’acte d’individualité de Grégoire CADROT, fils de feue Victoire, le 3 janvier 1849, acte n° 235, père de sa future belle-fille, Céleste CADROT.
C’est tout naturellement que son fils, Henri Charles Gellius, déclaré à la naissance sous le patronyme ULRIC, va, en se mariant avec Céleste le 2 mars 1871, utiliser le patronyme composé. Ce même jour, les nouveaux époux légitiment leur fils CADROTRomuald Gustave né le 15 mars 1870 qui s’appellera dorénavant ULRIC-DESPOINTES Romuald Gustave.

Mauconduit Généalogie

Georges Aliker et Monique Palcy

Immigration indienne :projet pour l’exploitation des listes généalogiques concernant les recherches effectuées par Antoinette Gamess assistée de Lucienne Lafontaine

Première partie : présentée par Antoinette GAMESS (rapide historique)

La France, dont dépend la colonie de la Martinique, connaît de grands bouleversements en cette première moitié du XIXème siècle. L’empereur Napoléon 1er vaincu à Waterloo en 1815 est remplacé par Louis XVIII qui monte sur le trône. Charles X lui succède. Il est renversé par la Révolution de Juillet 1830 (les trois glorieuses). Louis-Philippe 1ER devient roi et institue une monarchie parlementaire qui se termine à la révolution de juillet 1848. Les aspirations démocratiques qui secouent l’Europe, n’épargnent pas la France. Un gouvernement provisoire fonctionne, en attendant la rédaction d’une constitution. François Arago, ministre de la Marine et des colonies comprend la nécessité d’abolir l’esclavage des Africains déportés dans les colonies françaises. Victor Schœlcher, sous secrétaire d’état aux colonies, emporte la décision. Le décret du 27 avril 1848 met fin à plus de deux siècles d’esclavage.
Par suite de la fin de l’esclavage dans les colonies françaises des Amériques, de grands changements interviendront dans les colonies. Les propriétaires d’exploitations réclament une main d’œuvre pour continuer la culture de la canne à sucre qui est la principale activité dans les colonies françaises comme anglaises de la région. Le commissaire Général de la Martinique, Auguste Perrinon, incite les grandes plantations à engager les « nouveaux libres ». Cependant, la main-d’œuvre demeure insuffisante. Des mesures sont prises afin accomplir le travail. Une nouvelle organisation prévoit le salariat agricole. Le recrutement de travailleurs étrangers s’avère indispensable. Par décret du Président de la République du 22 novembre 1849, une commission coloniale de 16 membres, présidée par Monsieur de Broglie, est mise en place afin d’étudier les modalités d’une immigration étrangère. ISAMBERT en fait partie. Trois recommandations principales : la participation de l’Etat, ne pas faire appel à l’Afrique, sauvegarder les droits de la colonie.
Les débuts
La grande Bretagne a institué une immigration en provenance des Indes depuis plusieurs années. La France imitera ce modèle et privilégiera les travailleurs issus des Indes. Cette immigration est autorisée par décret impérial, puisque le prince Napoléon est devenu empereur sous le titre de Napoléon III, le 2 décembre 1852. Elle commence à partir de 1853 à la Martinique et 1854 en Guadeloupe. Le premier bateau, l’Aurélie, arrive dans la rade de Saint-Pierre, le 6 mai 1853 avec 314 coolies à bord. Ce sont les premiers immigrants à la Martinique. Cette immigration se poursuivra officiellement jusqu’en 1884, date à laquelle le Conseil Général y mettra fin.
C’est une répartition complexe qui commence. Les listes d’Etat civil de Saint-Pierre ne comptent pas toutes les personnes arrivées. On constate le décès d’un homme sur le bateau, la naissance d’un enfant sur le bateau également qui sera déclaré à Saint-Pierre. Le bébé meurt ainsi que sa mère qui arrivait avec son époux. Les autres immigrants se retrouvent sur les listes d’autres communes où il faut les rechercher.
L’arrivée de ce premier bateau sera suivie de nombreux autres convois dont le sort sera marqué par des conditions de voyage difficiles liées souvent à l’entassement des voyageurs, des tempêtes, des maladies, des décès, des incidents de divers ordres, des escales. Les premières années, il durait environ cent jours.
Quelles étaient les escales ? En général, les bateaux s’arrêtaient aux Mascareignes, en Afrique du Sud, dans les ports du Cap ou Durban, à l’île de Sainte-Hélène avant de remonter l’Océan Atlantique en direction de la Martinique. Certains d’entre eux relâchaient à Trinidad. Ces escales permettaient un réapprovisionnement en eau et en vivres. Victor Schœlcher qualifie cette immigration de « traite déguisée » et y voit l’introduction de « la lie de l’Inde »
Quelles sont les conditions de cette immigration ? Un traité est signé par le capitaine BLANC pour le transport et monsieur NORTHUMB DE PERCIN, président de la commission de l’immigration. Des modalités administratives et financières sont prévues. Une caisse de l’immigration est instituée alimentée, au début, par des fonds provenant des indemnités accordées à la colonie pour les africains émancipés des domaines exploités. L’état verse aussi une subvention annuelle entre 100.000 et 150.000 francs à cette caisse. 1.191 immigrés sont introduits en 3 voyages. Un nouveau traité est signé le 26 octobre 1854 pour acheminer 10.000 indiens. Seul 381 sont acheminés. Le 25 avril 1855, la Compagnie générale transatlantique créée à Pondichéry prend la relève. Puis, le 7 juin 1857, la Société d’Emigration de l’Inde française qui prend en charge tous les détails de recrutement, jusqu’en 1862. Les contrats sont donc signés et les livraisons se font sur la base de 39 roupies pour la Réunion et 42 roupies pour les colonies d’Amérique. De nombreux manquements envers les émigrants, tant pendant le voyage que sur les habitations, entrainent la signature d’une Convention franco-britannique le 1er juillet 1861. Pourquoi cette convention ? Les immigrants demeuraient des sujets anglais, puisque la grande majorité du territoire des Indes constituait une colonie britannique, dont la reine Victoria deviendra l’impératrice de 1876 à 1901.
La France a été vaincue par les forces militaires anglaises en 1756. Elle ne garde que les villes de Pondichéry, Karikal, Chandernagor, Mahé et Yanaon. Les limites des possessions françaises ont été définies par les traités de 1814, 1815.
Origine des immigrants de l’Inde
Quels étaient les arrivants du sous-continent indien ? Ils venaient de régions très éloignées les unes des autres, de la côte du Coromandel, de la côte de Malabar, de la côte d’Orissa, du Bengale. Ils étaient en majorité des dravidiens, dont les tamouls et deux bateaux ont transporté des travailleurs de la région du Bengale oriental. Ceux-ci étaient originaires du Bengale ou du Bihâr. Ils parlaient des langues différentes, le tamoul, le malayalam, le télougou. Le sanskrit, considéré comme la langue des dieux, ne leur était guère accessible.
Dans la ville de Pondichéry, les populations étaient variées. On trouvait les Européens et leurs descendants, des Topas (métis soumis à certaines lois françaises), les Mapelles descendants de Tamerlan surtout commerçants, les Indiens ou Hindous descendants de tamouls ou d’aryens. Ils appartenaient à plusieurs castes : brahmanes, kchatryas, vaicyas, soudras, les parias (dont la dénomination a changé depuis). Ils sont désignés sous les termes de Malabar ou Malbar en Guadeloupe par les jésuites. A la Martinique, en l’absence des jésuites chassés de l’île, les békés les désignent par le mot « coolies », travailleurs de peines.
Quelle est l’organisation juridique des possessions françaises aux Indes ? Dès 1769, le gouvernement français stipule qu’ils seront jugés selon leurs propres lois. En 1777, un tribunal spécial est créé, dit tribunal de la Chaudrie, pour juger les affaires civiles et celles des autochtones. Même après la suppression de ce tribunal, les affaires arrivant devant la juridiction française, seront jugées selon les usages et les lois de leurs castes. Depuis 1848, ils ont le droit de vote comme tous les autres citoyens français. Cependant, toutes les représentations coloniales sont supprimées sous l’empire. Une organisation administrative existe à Pondichéry et la loi française s’applique aux européens et aux autochtones qui ont renoncé à leur statut particulier.
L’organisation de la vie des Immigrants dans la colonie.
Le voyage se termine à Saint-Pierre, sur la place de Mosges de 1853 à 1857. Le commissaire de l’immigration les accueille, ainsi qu’un médecin. Ils sont auscultés et souvent envoyés dans des camps afin d’y être soignés avant de rejoindre les habitations. A partir de 1857, ils débarqueront à Fort de France pour des raisons sanitaires. Une quarantaine leur est imposée aux Trois Ilets sur la plage avant qu’ils ne soient acheminés à Fort-de-France dans le dépôt de la Pointe Simon à l’embouchure de la rivière Madame, avant d’être répartis entre les propriétaires. Un autre dépôt existera à Fonds Saint Jacques, à Sainte Marie.
Les formalités administratives sont alors accomplies, inscription sur les registres du Service de l’Immigration français et les registres communaux (registres d’état civil, où on peut les rechercher). Ils gardent leur statut d’étranger en vertu du traité signé avec l’Angleterre en 1861. Ils ont signé un contrat avant d’embarquer et, comme tout ouvrier agricole, ils reçoivent un livret de travail. Les immigrés des Indes détiennent, en plus, un passeport intérieur obligatoire pour circuler d’une commune à l’autre. Beaucoup d’immigrés ne sont pas recensés. Eux-mêmes omettent de renouveler leurs papiers. Les services des mairies sont surchargés par l’inscription « des nouveaux libres » sur les registres d’individualité.
La répartition sur les habitations suit ces formalités en fonction des listes envoyées par les propriétaires au directeur de l’Intérieur. Ces listes devaient être publiées dans le journal le Moniteur. Une caisse d’immigration est créée afin de recevoir les subventions et les remboursements de frais par les propriétaires. La répartition se fait en fonction de l’implantation des 12 usines centrales et des 560 sucreries. On estime qu’il y a davantage d’Immigrants dans le Nord de la Martinique que dans le Sud. Leur implantation géographique s’est faite d’après les demandes. Il est certain que les propriétés agricoles exigeaient une main-d’œuvre abondante. D’autres facteurs sont aussi intervenus. Les recherches généalogiques permettront de mieux cerner ces implantations.

Antoinette GAMESS

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